Ça y est ! Après tant de travail acharné, de discussions sans fin, et d’obstacles surmontés, le café de KIRAN a enfin été inauguré le 11 août dernier.

La difficulté de la tâche nous fait savourer cet accomplissement avec d’autant plus de joie et de satisfaction.
Parce qu’ici, pour opérer un changement, il faut s’armer de patience.
Pour rappel, l’ONG KIRAN a créé un café/restaurant ainsi qu’une boulangerie où des jeunes handicapés apprennent le métier de boulanger. À mon arrivée à KIRAN, on m’a confié la mission de rendre le café plus attractif afin d’attirer plus de clients.
J’ai trouvé ce challenge très excitant. Nos plans était de tout rénover, changer la décoration, changer les meubles, rendre le café plus visible de l’extérieur mais aussi sur Internet, rafraîchir la cuisine et investir dans un nouvel équipement, mieux exposer nos produits, acheter de la nouvelle vaisselle, trouver de nouvelles recettes et changer le menu, prévoir un uniforme pour le staff, moderniser la comptabilité et entraîner le personnel à être plus professionnel. Vaste programme donc !
Bien vite, j’ai été confrontée à de nombreuses difficultés.
D’abord, tout est trèèès lent. Les gens ne sont pas stressés pour un sou et ils prennent leur temps. On avait beau avoir fait des plans précis sur la marche à suivre, il a fallu un temps fou avant de vraiment passer à l’action. Autant vous dire que j’ai dû apprendre à gérer ma frustration tout au long ce projet.
Une partie de mon travail a été de superviser les travaux et de demander sans cesse aux gens qu’ils exécutent leur travail, quitte à leur envoyer des rappels tous les deux jours… Mmh quel plaisir de jouer à la police ! Beaucoup font des promesses qu’ils ne tiennent pas. J’ai été très déconcertée par la capacité de certains à vous dire droit dans les yeux, par exemple : « oui oui, j’achète le frigo demain et l’apporte au café » et puis, sans le moindre scrupule, à ne pas s’exécuter le lendemain. Et ce petit jeu peut continuer de la sorte pendant des semaines, voire … des mois !
Les Indiens n’ont pas la même notion de l’organisation que chez nous. Ils sont les champions pour avoir une quantité de registres recensant un tas de données, à mon sens un peu inutiles… Mais alors, je n’ai vu personne faire une simple liste des tâches à effectuer pour la semaine. J’ai d’ailleurs un collègue qui m’affirme, non sans grande fierté : « Moi, je ne prends jamais note de rien. Tout est dans ma tête, Adeline ! J’ai une excelleeente mémoire ! ». Résultat des courses, il oublie la moitié des choses qu’on lui demande de faire…
Certaines formalités rendent les choses bien plus compliquées que ce qu’elles ne sont. Par exemple, pour tous les achats qu’on avait à effectuer pour le café, il fallait fournir au département des finances 3 estimations de prix différentes pour un produit. Ensuite, après analyse de la situation, les finances décidaient quel produit on pouvait acheter. Il fallait alors transmettre l’information à la personne en charge des achats et prier pour qu’elle réponde à notre demande avant 107 ans. Et je vous épargne toute la paperasse et l’obtention des signatures des responsables du projet. Bref, tous ces intermédiaires, combinés à un bon manque de communication (ô joie !), n’ont certainement pas eu pour effet d’accélérer le processus. Mais ici, il y a beaucoup de règles à respecter et il ne vaut mieux pas bousculer la hiérarchie…
J’ai donc fait un gros travail de lâcher-prise et d’acceptation parce que, finalement, on ne peut pas tout contrôler. La seule personne que je puisse contrôler, c’est moi. Alors, je me suis concentrée sur tout le travail que je pouvais accomplir par moi-même, sans trop m’attarder sur le fait que les autres y allaient mollo.
Du coup, j’ai laissé parler ma créativité et j’ai appris à faire beaucoup de choses par moi-même, comme designer des affiches, brochures et flyers. J’ai aussi imaginé de nouvelles recettes pour le café. J’ai pris des photos de tous les plats et ai créé un nouveau menu.
Petit à petit, le café a pris forme.
Ensuite, il a fallu entraîner le staff à être professionnel. Avec un de mes collègues, nous avons organisé un workshop de 4 jours. On leur a d’abord fait tout un laïus sur l’hygiène et l’organisation. Parce que se laver les mains avant de cuisiner n’était pas forcément un acquis… Puis, on leur a appris à accueillir un client, le servir, cuisiner et imprimer un ticket de caisse. Et en bonus, je leur ai fait une liste de phrases en anglais pour servir des étrangers.
Ça a été assez laborieux de les entraîner. C’est sûr que demander à une Indienne élevée au riz et venant directement de son village de faire un cappucino et un burger végétarien, ce n’est pas ce qu’il y a de plus évident. J’ai quand même dû me retenir de crier au blasphème quand ils ont préparé une pizza avec du Ketchup en guise de sauce tomate. J’ai aussi dû insister pour leur faire comprendre qu’il faut servir un plat le plus rapidement possible. Je repense notamment à un moment de rush au café pendant lequel ils se sont mis à préparer tranquillement un chai pour le staff au lieu de cuisiner pour les clients. Oui bon, le tea time, c’est sacré aussi !
Plus l’échéance de la réouverture du café approchait, plus je paniquais en me demandant si le staff serait capable d’assurer. Mais finalement, c’est en pratiquant qu’ils apprennent et les retours des clients sont très positifs. Me voilà donc rassurée et très fière de mes poulains ! 🙂
Je vous invite à visiter notre page sur Tripadvisor où pouvez toujours laisser un commentaire si vous appréciez le nouveau look du café.